Tu peux pas apporter la bouteille, l’ouvrir et enfiler un tablier, tu seras gentil

Au boulot, le surnom de mon mari est Tony….Tony Micelli. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette série, comme je suis sure que vous avez oublié que vous regardiez Héléne et les Garçons, en rentrant du lycée, complétement éreintée par un cours d’économie où un prof, à la barbe clairsemée de poils poivre et sel et un reste de mayonnaise de midi, essayait de faire pénétrer dans votre crâne, engourdi par un périlleux parcours en vélo sous une pluie diluvienne et un vent pénétrant votre pantalon de velours cotelé bordeau, que l’offre créé la demande à condition de faire surgir du néant des besoins superficiels devenus impérieux et structurellement insatisfaisables ; et donc aprés avoir supporté les sarcasmes de ce vieux vicieux qui se vengeait, sur votre innocence, de son incapacité à maîtriser la courbe de l’équation quantique, ce qui lui aurait permis de deviner les évolutions de la Bourse pour les 5 secondes à venir, vous vous raccrochiez au bouton du vieux poste de télévision si solide et si fiable pour vous abreuver aux compréhensibles aneries des Musclés à comparer desquels  vous vous sentiez d’attaque à concurrencer Einstein (je ne voudrai pas que le lecteur se leurre, ce passage n’est en rien autobiographique et jamais, je n’ai posé mes yeux sur une seule scéne de cette AB production ; peut être quelques rires gras et condescendants, mais mes yeux, jamais…ils étaient protégés par des lunettes de vue).
 
Pitch de cette série oubliée (et qui a mal vieilli, contrairement à mon mari qui, abstraction de ses pattes d’oie, son crâne dégarni, ses craquements suspects à chaque tentative de lever de canapé, est resté un jeune et robuste gaillard) : c’est un type qui était trés compétent dans son domaine, qu’il a du tout abandonner pour des raisons inavouables (j’en sais rien) et pour le bien de sa famille (une fille qui n’a rien trouvé de mieux que tourner sorcière), devient l’homme à tout faire d’une femme richissime qui bien sûr finira par reconnaître ses qualités et l’emploiera à sa juste mesure (dans un lit d’au moins deux mètres).
 
Le rapport avec mon mari (en tout bien, tout honneur) : Mon mari était trés compétent dans son domaine (une histoire de coupe – batterie de camions…. et non de voisins bruyants et melomanes noctures qui se déchainent sur des caisses dont ils n’ont pas compris que le but était d’adoucir les moeurs, pas de rendre sourds les morts). Il a dû quitter son boulot pour des raisons tout à fait avouables bien qu’aucun avoué ne semble disposé à défendre l’affaire devant les Prud’hommes : le saint homme a quelque peu frappé du poing sur la table et articulé, sur un ton suffisamment haut, le droit chemin que devrait suivre son patron afin d’atteindre la compréhension suprême d’un vrai manager (non, il n’a pas dit "dans mon c…."). Le PDG l’a gracieusement (à part les congés payés) remercié d’un licenciement pour faute.
 
Ayant trois gosses et une femme, peu dispendieuse mais quelque peu capricieuse (je demande juste un ou trois cadeaux pour mon anniversaire, ce n’est quand même pas la lune), à charge, notre homme, abattu, démotivé, abasourdi, sommé par sa femme de réagir sinon elle allait devoir supprimer l’abonnement canalsat, a su rapidement reprendre du poil de la bête (je rassure nos amis de la Spa, aucun animal n’a subi de sévice durant cette métamorphose instantanée) et se mettre en quéte de labeur rémunéré (tout le monde veut du labeur et l’argent du labeur).
 
Ici, une petite pause pour celles qui sont obligées de lire à haute voix mes billets. Ouf, on respire, on élargit ses poumons, on sourit à non-Manuel et on replonge.
 
Il tombe sur une annonce (je rassure les propriétaires des journaux gratuits, aucune ligne surtaxée n’a subi de coquilles durant cette lecture enchantée) pour un poste correspondant parfaitement à son profil. Il envoie un email, il reçoit un coup de fil, il renvoie un email, il reçoit un coup de fil, il est convoqué pour un entretien, un deuxième, un troisième (devant le boss brésilien et tout en anglais, mieux que James….James Bond sauf qu’il ne savait pas encore qu’il jouerait le rôle de la belle plante faire – valoir) et il touche le jackpot.
 
Et maintenant, il est surnommé Tony….Tony Micelli. Avant c’était Victoria, vous savez celle qui tourne bizarrement des hanches de façon à ce que sa poitrine soit toujours face à l’écran. Que fait -il de ses journées pour mériter des surnoms si flatteurs ? Il surfe sur internet, il comble des heures interminables en admirant son horloge et il sert son chef. Ils ont reçu dernièrement une chimiste venu tester de la peinture sur des billes (des billes, si j’ai encore pas tout compris, qui permettent aux bandes blanches de la route d’être réfléchissantes) et comme le chef, qui doit partir à la retraite, dans trois, cinq voire plus si Sarkosy lui demande, ne veut pas que mon mari le remplace trop tôt, ne veut pas le former (ce qui l’oblige à prendre le boulot à 7 heures, mon cher époux n’arrivant qu’à 8 heures, pour manipuler La Machine, celle qui permet à la peinture de bien s’étaler sur les billes (je vous dis que cela reste obscur pour moi)), il lui demande d’effectuer toute sorte de trucs idiots pendant qu’il fanfaronne devant la cliente.
 
Qui c’est qui trimballe les pots de peinture, balaie, sert le café, nettoie, fait chauffer les plats au micro ondes, récure, propose les petits gateaux, palettise ..? Mon mari. Tout le monde est au courant, mon mari est le premier à en plaisanter. Le directeur commercial est venu le voir, a bien compris le problème et mon mari a repris ses balais. Il a promis de tenir jusqu’à la fin de l’année mais déjà il commence à zyeuter les annonces d’entreprises maitresses, non point pour commettre l’adultére mais un bon et amiable divorce.
 
Il a tenté sa chance auprès d’un cabinet de recrutement qui lui a vite fait des manières en exigeant qu’il dessine l’organigramme de la boite où il a travaillé. Comme mon mari est doué en beaucoup de choses (il faut voir comme il essuie tendrement l’assiette de son patron) mais point en informatique (pendant qu’il claviote, il regrette que les doigts ne soient pas détachables car il pourrait se servir des 8 inutilisés pour passer le plumeau sur l’écran) et comme il a refusé que le cabinet contacte ses anciens employeurs (et pour cause, l’un l’est encore, même s’il le fait virer homme à tout faire servile, l’autre l’a viré tout court), la candidature n’a vite plus rien prétendue du tout.
 
Si certains lecteurs pourraient se questionner sur le fait que la crainte du chômage conduise à l’asservissement d’un homme, moi je m’interroge sur le dénouement du feuilleton. Tony…Tony Micelli, il finit par épouser Angela ! Je n’aimerai pas que mon mari finisse par trop apprécier son commanditaire….
 
 
 
Ps : celles qui lisent à voix haute peuvent reprendre leur souffle et arrêter de postillonner sur l’écran. Quant au non-Manuel, il arrête de mettre de la cannelle sur sa tarte aux pommes.
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Un commentaire pour Tu peux pas apporter la bouteille, l’ouvrir et enfiler un tablier, tu seras gentil

  1. michele dit :

    tu pouvais pas dire tout de suite que le feuilleton s’était "madame est servi" ça m’aurait évité de cogiter pendant des heures pour savoir qui été ce tonimerci pour les pauses respiration

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