Le retour de la fin

De retour après une pause soleil qui s’est, bien sûr, ingénié à se généraliser sur toute la France mais,  pas avec autant de brio superfétatoire, de générosité compassionnelle et de luminosité clairvoyante, que sur les lieux qui ont eu l’insigne honneur de recevoir l’empreinte de ma condescendante foulée.

J’organise d’ailleurs une projection privée de sens, le week end prochain, au bénéfice de l’association des marcheurs anonymes (ceux qui ne peuvent s’empêcher de raconter des bobards, pour garnir une vie sempiternellement identique à ce qu’on ne voit jamais à la télévision) : pour la modique somme de 18,99 euros (un centime peut être laissé en pourboire au serveur qui me sert d’ordinateur), vous pourrez ainsi apercevoir une beauté diaphane et une créature régime-moiteur s’acharnaient à passer de p.. bonnes vacances avec des mioches impossibles à détacher de leurs DS. Le film dure entre 2 mn et 1 heure, selon que la beauté diaphane aura digéré son complexe du maillot ou non (ce complexe consiste à ne pas croire que des poils puissent dépasser alors qu’on ne veut pas les voir), le son risquant d’être perturbé par la Chose demis-rougeâtre déclamant sans interruption (sauf de la part de la beauté diaphane qui lui demande de fermer le réfrigérateur) : « on ne peut pas être et avoir été« , sur un ton de baleine échoué après un trip avec un sac en plastique.

De retour donc, de notre périple annuel au bord de l’océan qui s’est, bien sûr, ingénié à recevoir d’autres baigneurs, suffisamment mesquins pour songer que les vagues leur étaient destinées, alors que j’aurai pu les détromper, sans les détremper, en leur apprenant que, sans moi, il n’y aurait jamais eu de visio-connaissance de l’élément primordial, car pour savoir il faut être quelque part, pour rapporter il faut être parti et pour mentir il faut être dans le vrai.

De retour donc des profondeurs de ma pensée, qui se sont bien sûr ingéniées à me faire passer pour un aller sans retour, je m’en vais vous raconter quelques réflexions croustillantes, moins crissantes cependant que ce sable qui se perpétue le long des flancs marins, jusqu’à s’immiscer dans l’intimité de vos draps et celui qui chante l’amour à la plage a certainement une passion pour les tampons jex.

Les vacances sont un moyen privilégié pour les parents de resserrer les liens avec leurs enfants, liens distendus du fait des confrontations journalières lors des diners où chacun s’envoie le sel en pleine poire (« arrêtes avec le sel, tu vas faire de l’hypertension et t’écrouler comme un pickashu en mal de paroles », « je sale  parce que c’est ma vie et que j’préfère être hypertendu que ridé comme toi », « le sel c’est pas bien, même que le capitaine superbiotop, il va te creuver les veines », « ouais, mais j’ai lu sur madofshow que si tu prends 15 grammes de sel chaque soir de pleine lune, tu augmente tes chances d’avoir un garçon », « c’est très bon, ma chérie, mais il manque un peu de sel« ). Pendant les vacances, vous partagez TOUS vos repas avec vos enfants, et cela permet de relativiser le reste de l’année.

Cloitrés dans un mobil-home, cernés par l’absence de télévision ou s’étant promis de n’allumer l’écran disponible qu’en cas d’averse rabat-joie (ou de père incapable de se sevrer de télécommande), les parents ressortent les promenades et les jeux de société. Pour ces derniers, deux tactiques selon que vous souhaitez prolonger ce moment privilégié ou non : 1) oui : faire tout le contraire de ce que votre confrontation avec le monde professionnel vous a enseignée : partager et accepter de n’être pas le meilleur (bien que cette attitude peut correspondre à votre flagornerie servile quand vous souhaitez obtenir une petite reconnaissance de votre patron) ; 2) non : profiter d’un monopoly pour réviser les additions et soustractions et vous vous retrouverez  rapidement à profiter paisiblement d’un bon livre, pendant que votre fils tape dans tout ce qu’il trouve pour sortir de son crâne la moindre trace de culture.

Pour ce qui concerne les promenades, les parents peuvent louer de superbes vélos et laisser les enfants vagabonder dans le camping, rassurés par le fait qu’il n’est rempli que de britanniques qui, on le sait, ne sont pas pervers puisqu’ils roulent à gauche (les statistiques prouvent que la grande  majorité des crimes sexuels sont commis par des gens roulant à droite et, circonstances aggravantes, avec un volant en cuir). Ou les amener à l’aire de jeux, où chacun pourra s’adonner à son activité préférée : les adultes, comparer les prouesses de leurs enfants, se félicitant même quand leur fils atteint la plus haute barre pour s’y maintenir en équilibre sur la tête, jusqu’à ce que l’instinct de mère se réveille et lui conjure de descendre tout de suite, il va salir son short licence Batman et Robin se marient enfin ; les enfants, comparer leurs âges.

Vous l’avez certainement constaté, la première chose que deux enfants, qui se rencontrent, échangent, c’est leur âge (jusqu’à un certain âge, après c’est leur Mii, ensuite leur pseudo skype et encore après, leurs bons coups). Cela peut être ennuyeux quand un adulte est impliqué dans le processus. Illustration : des enfants jouent au tourniquet, ils s’apprivoisent rapidement ,se reniflent leur âge et essayent de bouger la grande toupie qui se révèle plus dure que prévue pour leurs bras. Un adulte, compatissant à montrer ses muscles entretenus à l’aide de barre Mars, s’approche et pousse pour la plus grande satisfaction des enfants, qui gardent toujours une certaine nostalgie de leur première poussette, où ils étaient benoitement secoués par les nombreux écueils jonchant les trottoirs, maintenant envahis par la poussée écologique et la pédale économique, les piétons n’ayant plus qu’à prier pour être écrasé par un cycliste plutôt que par un automobiliste. Et là, surgit la question qui creuse le front : « t’as quel âge ? ». Autant un bambin de 6 ans s’émerveille à écarquiller les doigts pour montrer sa grandeur d’âme, autant un adulte peine à cracher ce que ses poumons ont inhalés depuis son premier pic de pollution. Doit-il révéler qu’il a 40 ans, alors qu’il rêve de n’en apparâitre que 36 et que ces congénères, qui l’observent en attendant qu’il tombe dans le piège, s’apprêtent à dégainer le « il fait plus vieux« ? Il le dit, la terre ne tremble pas et pourtant il sent son piédestal s’écrouler. Il va se rasseoir sur un banc en se plaignant d’un fort mal de dos.

Les parents, dignes de ce nom, sont toujours accompagnés d’un accessoire indispensable : un appareil photo. Peu importe que l’enfant s’amuse, en fait, il faut qu’il existe des photographies construisant sa descente de toboggan, sa chute de la balançoire, sa baignade dans la mer, son premier baiser à une voisine de mobil-home, son premier cochon, sa dernière bêtise du jour. Si pas de photos, pas de souvenirs. Ainsi vous amenez vos enfants dans un parc d’attraction et là, vous vous effondrez lorsque l’appareil photo,  que vous ne sollicitiez que pour la trente et unième fois, vous répond « PLUS DE BATTERIE« . Oh non, les sourires de mes enfants ne pourront plus être partagés avec mes amis facebookiens ; plus de clichés pour attester que le bonheur existe et que sony l’a fait. La fête est finie, les enfants ! on rentre… le plaisir est photogénique ou n’est pas.

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