Comment taire une punition

Les vacances, c’est l’occasion de faire ce qu’on ne fait pas d’habitude : supporter les enfants.

Surtout quand on a eu l’idée folle de les punir, pour je ne sais quelle futile raison qui, après réflexion, ne méritait pas un tel supplice : les priver de télévision.

Mon mari et moi regardons en alternance l’écran noir silencieux et l’aiguille qui tourne, si lentement, dans son écrin inamovible. Ne pas céder surtout, pour garder une crédibilité déjà bien entamée, le jour où nous avons dû avouer que c’était nous qui faisions les paquets cadeaux et non le père noël, ce dont ils se doutaient depuis longtemps, ne pouvant croire que le grand saint homme rouge puisse faire preuve de tant d’amateurisme et d’imperfection. Alors que de nous, ils attendent si peu, préférant se réfugier dans un monde virtuel où les parents rient à leur blague.

Il va falloir ressortir les jeux de société, la pâte à modeler, les idées, déterrer l’énergie annihilée par des années de vautrage de canapé, retrouver ses pupilles, dilatées par des scénaristes qui ne savent pas ce qu’un quotidien signifie.

Ce matin, j’ai donc été la serveuse du grand restaurant « A la vôtre » ayant eu l’honneur de servir des hamburgers et du poisson riz à une maîtresse et ses élèves (entre autres, Idéfix et Porcinet), qui ont dû payer une addition faramineuse de 10 centimes. Je pourrais profiter de cette pause »imagination » pour faire comprendre la valeur de l’argent à mes enfants, mais je crains de ne pas savoir évaluer « Mes copines ont en tous un  » et « Le professeur a dit que c’était obligatoire » : cela coûte beaucoup de palabres inutiles.

Cet après midi, c’est mon mari qui s’est plongé, avec ravissement, dans son maillot de bain qui fait tellement si bien ressortir sa magnifique silhouette hitchcockienne (le suspens résidant dans la solidité du tissu) pour les sortir et les faire s’immerger dans une piscine noire d’enfants, qui n’ont pas eu besoin de punitions pour mariner dans le bouillon (à croire qu’il existe  des parents qui savent comment chlore une discussion). Je dispose donc de quelques minutes de répit (le temps que mon mari explose, soit son maillot, soit son quota de patience) pour ne pas réfléchir à quelle bétification je vais être vouée.

Et je voudrais en profiter pour m’étaler, sans prétention scientifique, sur un sujet qui m’a semblé d’importance quand j’ai vu, sur la toile, un grand gaillard, doté d’une sensibilité exécerbée par la recherche du temps de parole, s’interrogeait sur la pertinence de répondre ou non à un commentaire, balançant entre la modestie, la politesse et le  de toute façon, c’est bourré de faute d’orthographes. Son questionnement était suivi d’un vaste débat, alliant la pondération et le savoir- vivre, entre quatre internautes argumentant majoritairement pour « laisse-moi un commentaire et je promets je te répondrai ».

J’aimerai apporter ma contribution, de mon côté évidemment, ne souhaitant pas susciter des commentaires que la bienséance m’obligeraient à effacer.

Premièrement, car tout bon développement doit débuter par un premièr argument, qui est rarement le plus convaincant, mais qui a pour principale qualité de surgir en premier de la glande pinéale, siège des humeurs et de la propension à parler avant que quelqu’un ne le fasse à sa place : pour répondre à un commentaire, il faut déjà que quelqu’un soit tombé sur votre page et s’y soit arrêté suffisamment pour avoir envie d’y laisser une trace écrite , d’y réfléchir suffisamment pour en juger la teneur publiable, de consentir ainsi  à vous faire connaître son jugement et vous inviter à entrer dans son espace au risque de vous écraser de sa supériorité. Celui qui n’a jamais reçu de commentaire est donc rassuré : il n’a pas à répondre à quelqu’un qui n’a pas jugé bon de lui dire qu’il trouvait son style super, ses mots super bien choisis et sa présentation super bien écrite – « lucaslesonpendant », site super marrant.

Par contre, le dilemme surgit pour celui qui découvre, un jour où il n’attendait plus rien, sauf, avec appréhension, la prochaine facture d’électricité, qu’un louisleserrurier lui a laissé un message fort approprié sous un billet relatif au « retour des maisons closes ». Doit-il snober ce message d’amitié au risque de passer à côté de quelqu’un de très utile, quand sa copine aura changer tous les loquets de la maison après s’être appropriée toute sa collection de vynils super rares, ou doit-il lui répondre au risque de s’ennuyer dix secondes à lire un article comparant les qualités de la clef à solive et la clef à tourneur ?

Donc, deuxièmement (j’aime montrer qu’il existe une progression dans ce qui semble une improvisation, mais est en fait un judicieux essai sur la condition à mettre en bouteille un pari qui ne m’a rien coûté), pour répondre à un commentaire, il faut que ce commentaire suscite une réponse.

Si le commentaire se contente de réciter un passage de la bible, en exhortant les chrétiens à se rebeller contre Sodome et Gorgonzola, un amène ta statistique suffit amplement. Si le commentaire par compte semble sincère (ce qui peut susciter une interrogation sur le comment reconnaître un commentaire sincère. 1) s’il n’est pas trop dythirambique (surtout si vous évoquiez la mort de votre chat) ; 2) s’il n’émet pas d’un blog saturé de photos de chats (tenu par quelqu’un qui est, en plus, certainement, contre les tests en laboratoire ! pauvres bêtes…) ; 3) s’il ne répond pas à un de vos commentaires, le type s’étant senti obligé, par politesse ou temps libre, de vous remercier de l’avoir distingué.), vous pouvez vous donner la peine, soit de répondre, sur votre site, à la suite du commentaire, ce qui oblige le gars à revenir sur votre site, pour lire votre réponse, s’il se souvient qu’il vous a laissé un commentaire et qu’il ne vous en veuille pas de lui répondre, sur votre site, au lieu d’aller sur le sien, alors que c’était son objectif pour gagner un lecteur de plus, soit de répondre sur son site, parce qu’après tout vous aimez bien vous marrer et que lire des conneries qui ne valent pas les votres vous réjouit toujours.

Et troisièmement, parce que vous êtes quelqu’un qui aime les surprises et créer des amitiés impossibles, vous allez répondre à ce punaise de commentaire, découvrir un site super original et quelqu’un de passionnant qui vous apprendra comment faire des macramés avec des vermicelles.

Alors, répondre ou non à un commentaire, c’est comme tu veux mon gars, mais si tu pouvais m’en laisser un, qui m’explique comment survivre à une semaine sans télévision, n’hésites pas et si je te réponds c’est que ton conseil a marché.

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