Satisfaction : être roulé dans la farine

Un jour, vous vous levez et vous êtes pressée d’aller au boulot. Même pas le temps de prendre une douche, à peine celui de fourguer le grand dans la voiture pour le déposer au collège et vous vous foncez vers votre bureau, tel le lapin blanc dans Alice au Pays des Merveilles. Car c’est bien là votre problème, vous êtes en retard. L’alarme n’a pas été enclenchée (par un mari de plus en plus étourdi mais qui finira assommé comme nous le verrons apr la suite) et c’est tout juste si ce n’est pas les rayons du soleil qui ne vous ont pas fait émerger de votre sommeil repoussoir, sauf qu’il s’agit de la lampe que votre mari a braqué sur votre visage pour vous faire avouer que vous étiez irrémédiablement en retard. 7 H 38 : les chiffres noirs que vous n’avez pu distingué vu la chappe qui encollait encore vos paupières mais que votre cher époux a déclamé, surpris de leur dure réalité et se tournant vers vous pour voir confirmer son verdict fatal par votre panique. Ce que ne tarde pas, , car vient de passer sous votre oreiller la chance de prendre le rapide pour R et que la joie vous assaille à la vision éblouissante (votre mari n’a toujours pas éteint la lampe) de vous au volant, ou plus précisément du volant transmettant les directions à votre moi (peu rassuré même si assuré).
Vous vous jetâtes(Hippolyte révise le passé simple) donc dans la salle de bain, vous humâtes vos aisselles, vous défaillâtes mais vaillamment vous décidâtes de masquer l’odeur de rat brusqué sous une couche de tricots bien épais, vous vous ébouriffâtes et hurlâtes à votre fils aîné de se dépéchasser plus vite que la lumière dans le cerveau de Van Hamme. Voyant arrivé un épouvantail où tout le foin se serait réfugié sur le crâne, vous le houspillâtes l’exhortant à sauter le petit déjeuner. Ce qu’il déclina bougonnement et plus vous le pressâtes, vous il mollassa. Prête à l’expédier sur un satellite sur écoute quelconque, il daigna enfin se dire prêt à condescendre à emprunter le carosse bien qu’il regretta fort la chauffeuse de bus qui lui semblalargement plus aimable que la mégère rougeâtre qui lui aboyait dessus depuis son réveil précipité à cause d’un tic tac mal amorcé et il ne voula point servir d’appât à ma morditude.
Une, deux le premier rejeton fut largué. Sur le retour, prête à me sacrifier sur l’autel de la fonctionnarité, je vis que la voiture de ma moitié (qui par chance avait évité ma hargne grâce à un collégien émissaire) n’avait point quitté son point d’ancrage et je fus aux nouvelles. Mon mari, encore tout étonné de ce qu’il était en train d’accomplir : habiller Marcus, était quelque peu dépassé par les événements. Ni une, ni deux cette fois, je pris dans mes filets Octavia pour l’amener à la garderie où elle fut accueilli par des cris d’impatience car elle était (oh surprise !) en retard. Une jeune fille rigola en parlant de panne de réveil et on peut souligner la clairvoyance  des jeunes de maintenant qui quand, ils voyent une femme essouflée, à la veste à demi boutonnée et à l’odeur suspecte, ont la prescience qu’il faille chercher du côté(gauche en l’occurence) du lit.
Hop dans ma voiture et là, direction travail et explication plausible (pour une fois, parce que quand j’accuse le train ,je suis moins crédible…je plaisante !) aux collègues sur les raisons de mon retard. J’ai passé la journée à me renifler, à me gratter la tête (alors que, au grand jamais, je ne réfléchis au boulot au point de m’en frotter l’épiderme), à supputer la meilleure heure possible pour quitter le bureau vu que là, je n’étais pas tributaire d’un transport collectif (mais olfactif !) et dés que je sentis (et oh combien !) qu’il était temsp que je plie mes peinates, je le fis sans tarder.
Bien la seule fois donc que j’étais pressée d’aller au travail !
Mon mari a eu encore moins de coeur ce matin, car il a appris par le grand patron allemand qui a racheté la boite (et s’en mord les doigts et donc les pions trinquent)qu’il ne souhaitait pas le garder dans l’effectif. Le souci c’est qu’ils sont déjà 11 à être concernés et que les évictions ne semblent pas terminées vu une source anonyme au service du personnel. Donc cela ne peut plus se contenter de rentrer dans un cadre contractuel mais dans celui du licenciement économique. Ce que le pdg, fort de son accent rocailleux et de ses origines étrusques, se refuse d’admettre. Les invités à partir cordialement ont tous décidés de ne pas signer surtout qu’il semblerait que les critères d’épuration soient biaisés vu que 4 des intéressés(enfin moyennement) sont membres du CE et que la seule femme conviée (à manger sa veste) l’ait été au dernier moment, suite à une délation amicale : le type qui établit la liste s’est fait rappeler par une personne bien intentionnée qu’elle devait suivre une autre voie parce qu’il ne la cadrait pas, une joyeuse collaboration en sorte (désolée de faire référence par des termes trop marqués à un événement historique majeur : ce n’est pas la Shoah, mais le chaos dans la tête de mon mari qui broit du noir et là encore sans connotation raciale). Bref, les médias, l’inspecteur du travail vont à leur tour entrer dans la danse, comme la chanson stupide qu’on entend partout et reprise aujourd’hui par un nouveau ministre : la relance ! (comme si, parce qu’on me déduit 1000 euro sur une voiture, j’allais en acheter une maintenant que celle de mon mari va prochainement moins servir ; comme si la promesse de construction de logements sociaux allait faire jaillir ceux qui auraient dû l’être les années antérieures ! Comme si le fait de mettre de douze ans en prison allait redonner confiance à la jeunesse : zut, je me suis trompée de chanson, ça c’est "qu’est ce que Dati va encore planter !"(pas des choux, elle attend une fille !)
Donc, en définitive, bientôt, je serai contente tous les jours d’aller au boulot parce que j’en ai un et mon mari non. Je serai heureuse de franchir les grilles de mon enfermement parce que ça fait bouillir la marmite (à défaut de mon cerveau). Je serai satisfaite de m’engueuler avec des surveillants qui se croient tout permis et qui dénoncent un scandale si je refuse de leur donner dix stylos (un pour chaque doigt afin de mieux taper sur le clavier à la maison). Je serai euphorique d’ergoter sur le moindre prix afin de pouvoir boucler un budget corseté (mais non explosif) qui sera chamboulé par un chef  qui voudra tout de suite un repas pour dix personnes (dont 5 qui n’ont rien à voir dans le schmilblic mais la bouffe est offerte ….avec vos impôts !) pour obtenir le label "bienvenue en prison, vous en ressortirez bien assez tôt" : on ne sait pas encore q’il y aura des prisons 2 voire 3 étoiles, le cuistot propose d’afficher le menu à l’entrée pour susciter un certain clientélisme. C’est certainement vrai que les conditions de détention ne sont pas bonnes, mais moi je suis derrière les barreaux pour plus de trente ans encore, je travaille dans un algeco et je dois m’acoquiner (expression mais ce sont les détenus qui font le ménage, la gestion des stocks, l’entretien de l’établissement vu que le chef ne veut mettre du personnel compétent pour se concentrer sur son pôle secrétariat et son label poulailler) avec un détenu qui sort sa zigounette plus vite que son ombre (enfin pour l’instant, je n’en ai pas été témoin mais l’expertise est très mauvaise puisque l’experte y a eu le droit et on l’a classé au seul endroit où grouillent le plus de femelles susceptibles de déclencher son enthousiasme..) mais bon, je suis satisfaite de travailler et je travaille à être satisfaite et je satisfais à mon travail (enfin de mon point de vue parce que le chef, comme je l’ai dit, me boude : mais bon je me débrouille bien mieux sans lui). En anvier, je change de boulot …et le boulot de mon mari change sans lui.
 
PS : Octavia demande à Marcus comment il la trouve. Et Marcus de répondre d’une voix assurée et tambourinante "Belle !". Et comme dans la chanson de Brel, il fait tout l’inverse de ce que l’on veut. on veut voir Papa Noël, il veut voir Maman Noël ; il veut fêter l’anniversaire de pépé et non de mémé ; il trouve les nouilles pas bons alors que c’est ce qu’il a réclamé ; il n’aime pas les papillotes alors que sur son menton traine encore les traces de celle qu’il vient d’engloutir. Bref, il sait déjà bien faire son Hippolyte moyen (qui lui assure qu’il ne suçait pas son pouce alors qu’il vient juste de le retirer de sa bouche).
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